C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de Stephen Almasenu, substitut général au Parquet général de la Cour d’appel de Paris et professeur de Droit à Ipesup depuis plus de trente ans.

A l’Ipesup, Stephen Almaseanu était un enseignant fidèle et attachant. Professeur de Droit civil et de Droit commercial dans les préparations au concours d’admission directe d’HEC et à l’entrée à Sciences Po en Master, il a aussi aidé des générations d’étudiants de nos préparations au CRFPA à obtenir le barreau. Il contribua à la création de notre prep’ENA, où il assurait la préparation du Droit en tant qu’épreuve du cinquième jour, et il y a quelques semaines, il enseignait encore la Gestion juridique, fiscale et sociale à nos étudiants de prépa DSCG. Des étudiants qui, à l’instar de ses élèves de l’ESSEC ou de Paris II-Panthéon Assas, saluaient des cours d’une exceptionnelle qualité. Primus inter pares, il intervenait aussi bénévolement à l’ENM, où il transmettait à ses collègues la fine compréhension qu’il avait de l’évolution du droit et de la procédure.

Fin praticien du droit, Stephen Almaseanu était un immense procureur. Il avait, à l’égard des justiciables, le souci de la justice et de la justesse de ses réquisitions. Magistrat spécialisé en matière économique et financière, il requérait la force de la loi tout en prenant en compte les contingences économiques. Il aurait souhaité d’ailleurs que le tribunal de commerce, où il a tant exercé, fût un jour renommé tribunal de l’entreprise, et que des magistrats formés aux procédures collectives y fussent affectés.

Stephen Almaseanu était un homme de dossiers au sens où chaque dossier, chaque justiciable était pour lui unique. Respectueux de tous les membres de la communauté judiciaire, il lui arrivait fréquemment d’amender ses réquisitions, après avoir plongé son immense intelligence dans le dossier qui lui était soumis. Juge d’instruction au tribunal de grande instance de Strasbourg, puis à la Cour d’appel de Colmar, il protégeait la société. Attentif aux arguments de la défense, instruisant autant à charge qu’à décharge, sa lucidité ne le quittait jamais. Un jour, Stephen nous confia qu’un prévenu, dont il avait ordonné le placement en détention provisoire, clamait son innocence jusque depuis sa maison d’arrêt. L’avocat de la défense demandait avec insistance que soient ordonnés des compléments d’enquête qui pourraient innocenter son client. Habité par le doute, indispensable à la bonne administration de la justice, Stephen Almaseanu fit droit aux requêtes de l’avocat. Les pièces qui furent découvertes étaient en fait accablantes pour l’accusé, et ce dernier fut finalement condamné à purger une lourde peine. Stephen Almaseanu ne s’était pas trompé. Son action décisive avait contribué à protéger la société.

Durant les Jeux Olympiques de Paris 2024, Stephen Almaseanu assurait encore des journées d’audience en comparution immédiate. Confronté à la délinquance de droit commun, il n’avait pas le verbe haut, mais les paroles justes. Il connaissait les méandres de l’âme humaine. Comme le disait Balzac dans La Peau de Chagrin, « pour juger un homme, au moins faut-il être dans le secret de sa pensée, de ses malheurs, de ses émotions ». Il ne s’en laissait pas non plus compter ; et face à la délinquance récidiviste ou en bande organisée il savait faire preuve d’une implacable sévérité. Ses réquisitoires étaient d’autant plus respectés, et souvent suivis.

Chef du pôle juridique de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, Stephen Almaseanu avait une pratique moderne du droit. Ne rédigeait-il pas, depuis deux ou trois ans, tous ses actes officiels sur une tablette numérique à double écran dont il avait une maîtrise stupéfiante ? Chargé de la lutte antiblanchiment, membre de la délégation française au GAFI et contre le financement du terrorisme, il avait effectué la première saisie en France de Bitcoin. Aucune procédure n’existait à ce sujet ! Alors, il avait rédigé des articles de doctrine sur ce thème, comme il en écrivit des centaines dans La Gazette du Palais, La lettre de l’association des magistrats de l’Union européenne ou encore dans la Revue des procédures collectives. Ecrire : c’était pour lui une manière de partager. Son regard acéré et sa longue expérience faisaient de lui un véritable expert, respecté et reconnu de tous. Il contribua à faire évoluer les pratiques juridiques en France et en Europe.

Servir. Voilà, au fond, l’office de Stephen Almaseanu tout au long de sa carrière professionnelle.

Stephen était aussi un ami fidèle. Les anecdotes, souvent judiciaires mais aussi parfois personnelles, qu’il racontait au détour d’un bon repas étaient toujours savoureuses. Il les racontait avec la simplicité d’un homme bon et juste. Il avait une immense culture. A l’Ipesup, où il a transmis à des générations d’étudiants la passion de sa matière, nous l’aimions. Il va beaucoup nous manquer.

Nous adressons à sa famille et à ses proches nos plus sincères condoléances.

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