Prépa Journalisme : biographie de Vincent Bolloré

Né en 1952.

C’est l’héritier d’une famille d’industriels bretons qui se sont enrichis dans l’industrie du papier dès le XIXème siècle.

Il reprend l’entreprise familiale dès 1981 et il la sauve d’une faillite certaine en lui imposant un plan de redressement drastique.

A partir des années 90, il construit méthodiquement, par un système de prise de contrôle d’une minorité de blocage dans des sociétés en difficulté, un premier groupe économique dans les transports avec le groupe Delmas-Vieljeux et la banque avec la Banque Rivaud.

Il se lance ensuite, dans les années 2000, dans le secteur de la communication avec la main mise sur le groupe Havas. Il lance le journal gratuit Direct-Matin et la chaîne D8.

Dans les années 2010, son grand fait d’armes est la prise de contrôle de Vivendi, la maison-mère de Canal +, ce qui le renforce dans le secteur des médias. Il reprend en main Canal +, en modifie la ligne éditoriale et transforme la chaîne d’information du groupe Canal Itélé en Cnews, provoquant un départ massif de journalistes.

Dans le même temps, il prend le contrôle de sociétés de transport en Afrique de l’Ouest et devient un des grands de la logistique et du transport maritime. On parle d’Un empire Bolloré en Afrique.

Dans les années 2020, il continue de poursuivre ses ambitions de domination dans le secteur des médias et de l’édition. Il devient ainsi l’actionnaire principal du groupe Lagardère, ce qui lui donne la main sur des magazines comme Paris Match, sur le Journal du Dimanche, sur la radio Europe1, sur les éditions Hachette

Désormais septuagénaire, il se dégage progressivement de la direction exécutive de ses sociétés pour les confier à ses enfants. Il est en train de démanteler son empire africain dans les transports tout en conservant de puissants intérêts africains dans les plantations et le commerce.

Sa grande préoccupation est aujourd’hui de constituer un pôle majeur des médias autour des chaînes du groupe Canal et des vestiges de l’empire Lagardère. Cela englobe aussi le secteur de l’édition, même si la Commission de Bruxelles l’a contraint à se débarrasser de la société Editis-filiale de Vivendi– pour éviter une situation de monopole avec la prise de contrôle d’Hachette.

 

Ses trois points forts d’influence

Vincent Bolloré est l’homme puissant par excellence. Il est un homme d’influence et il entend exercer un pouvoir croissant d’influence. Une ambition pour jouer un rôle essentiel dans la société française.

Sa puissance est d’abord économique. La famille Bolloré représente un patrimoine évalué à plus de 8 milliards d’euros en 2021 par le magazine Challenges. Ce qui la place au quatorzième rang français et au 538ème rang mondial. Longtemps les Bolloré ont été dans le top 10 français. Bolloré, c’est aussi 73000 emplois dans le monde et pour l’économie française et ses emplois, Bolloré est fondamental dans les secteurs de la logistique, de la batterie électrique, de l’édition, des médias…Dans le secteur du divertissement, Vivendi est considéré comme le deuxième groupe mondial derrière Disney. Et en France, de par le poids énorme de Canal + dans la création audiovisuelle en France, Bolloré dispose d’un pouvoir d’influence économique démesuré.

Sa puissance dans les médias fait qu’il est en train de modifier les lignes éditoriales de nombreux médias que l’on pourrait qualifier d’historiques. Chaque prise de contrôle d’un nouveau média important par Bolloré s’accompagne d’une crise au sein des rédactions concernées. On a pu le voir pour Itélé, pour Paris Match, pour Europe1 et pour le Journal du Dimanche. Et Bolloré se sort de ces crises en indemnisant les journalistes qui veulent partir en faisant jouer leur clause de conscience. L’on sort des crises parce que l’actionnaire est puissant et qu’il a de l’argent. Bolloré prétendait, en 2022, devant la Commission des Affaires culturelles du Sénat, qu’il visait en premier lieu le profit dans la prise de contrôle des médias, on voit bien que son objectif est avant tout de transformer les médias, d’en faire le support d’une ligne idéologique et politique. Les médias ne sont pas seulement au service des intérêts économiques de Bolloré, ils ne sont pas là uniquement pour célébrer ses mérites, ils sont là aussi pour mettre en œuvre ses idées, sa conception de la France. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de voir s’exercer une forme d’autocensure au sein des rédactions de groupe ou de voir Cyril Hanouna éructer contre Louis Boyard se met à critiquer sévèrement Bolloré à l’antenne.

Et cet appétit de pouvoir dans les médias et l’édition est en réalité le corollaire d’une vision politique de la France. Après avoir été longtemps perçu comme centriste et peu vertébré en matière politique au point d’avoir soutenu Anne Hidalgo en 2014, après avoir surtout mis en avant le passé gaulliste engagé de la famille Bolloré, y compris dans le cadre de la Résistance, Vincent Bolloré est aujourd’hui animé de l’idée que la France, dans ses racines chrétiennes, dans ses traditions, dans son mode de vie, est menacée par l’immigration, par l’affaissement de son identité, par la menace d’une disparition. Bolloré veut mettre en action tous les moyens médiatiques dont il dispose pour infléchir la tendance et conduire à un redressement par une prise de conscience collective. D’aucuns diront qu’il nourrit, en plus, une forme de haine contre Emmanuel Macron alors que l’on prétendait naguère que C8 penchait plutôt pour le président. En tout cas, l’on voit bien qu’aujourd’hui, Cnews est devenu un foyer très anti-Macron, très anti-Europe et, même ouvertement pro Zemmour pendant la campagne présidentielle. Et le groupe Bolloré et ses médias ont contribué à donner une large place au RN et à ses dirigeants, comme s’il s’agissait de banaliser l’idée d’une arrivée au pouvoir de Marine Le Pen.

 

Synthèse et perspectives

Même s’il semble préparer son départ des affaires, même s’il renonce à son empire de la logistique en Afrique, Vincent Bolloré n’en finit pas de jouer un rôle croissant dans la société française. Il est original de voir l’infléchissement d’un homme puissant du secteur de l’économie et du business financier vers la puissance médiatique et politique. Il est intéressant de voir comment, en toute transparence, Bolloré annonce ses ambitions et d’abord son ambition de mettre ses médias au service de ses idées. C’est la concentration du pouvoir médiatique avec l’idée de réduire le plus possible la place des points de vue de gauche ou centristes au sein des rédactions Il y a bien encore des débats contradictoires sur le plateau de Cnews mais les journalistes perçus à gauche sont toujours minoritaires et les sujets sont souvent liés aux  préoccupations majeures de la droite la plus conservatrice.

Il est peu fréquent en France que la concentration des médias soit animée en priorité par des préoccupations politiques. Il y a 50 ans, Robert Hersant bâtissait un empire de la presse mais, hormis le Figaro, les autres journaux pratiquaient une forme de neutralité politique. Avec Bolloré, la concentration ne tolère pas la tiédeur, ni l’impertinence. La profession de journaliste s’apparente à un service commandé. Et les pouvoirs publics s’en inquiètent de plus en plus, en particulier depuis l’affaire du Journal du Dimanche en grève depuis la nomination comme directeur de la rédaction de Geoffroy Lejeune, un ancien de Valeurs actuelles qui a fait campagne pour Zemmour en 2022. Le pourvoir a même décidé de convoquer les Etats généraux de la presse. Mais que peut-on faire contre la puissance de Vincent Bolloré ?

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